Pays Baltes

Estonie, Lettonie et Lituanie

Visite en Lettonie du président de la République, M. Jacques Chirac

par | 27/07/2001

Allocution prononcée par le président de la République, M. Jacques Chirac, lors du dîner d’Etat offert par la présidente de la République lettone, Mme Vaira Vike-Freiberga, et M. Imants Freibergs

Madame la Présidente,

Monsieur Freibergs,

Au soir de cette belle journée, intense, à Riga, je veux vous remercier, Madame la Présidente, de m’avoir invité à rencontrer le peuple letton, ses dirigeants et ses représentants politiques, qui m’ont très amicalement reçu à la Saeima, mais aussi les responsables de sa communauté d’affaires, à l’occasion du déjeuner offert par M le Premier ministre. Et permettez-moi de vous dire mon plaisir d’être des vôtres.

Tout au long de ma visite, les Lettons m’ont fait part de leurs espérances et de leurs ambitions. Et d’abord, de leur volonté de rejoindre dès que possible l’Union européenne. Tout naturellement, ils comptent sur la France et sur son appui, comme aux heures décisives de leur histoire. Quand, en novembre 1919, les navires français s’engagèrent aux côtés des marins lettons dans le golfe de Riga, pour la liberté de votre pays. Quand, plus tard, Aristide Briand plaida devant la Société des Nations en faveur de l’indépendance de la Lettonie. Puis, votre souveraineté durement recouvrée, quand mon prédécesseur, le président François Mitterrand, voulut, par sa visite, dès 1992, sceller le nouveau destin de nos relations.

Aujourd’hui, la grande affaire de l’Union européenne et de tous les pays demeurés si longtemps interdits d’Europe, c’est l’élargissement. La Lettonie, jalouse de sa liberté si longtemps rêvée, si souvent et si douloureusement confisquée dans l’Histoire, si chèrement conquise naguère, voit légitimement dans l’Europe la garantie que jamais plus ne reviendront les temps cruels de la domination et de l’oppression étrangères.

Et c’est cet espace de paix et de liberté que la France entend promouvoir en soutenant l’entrée dans l’Union des pays d’Europe centrale, orientale et balte, au premier rang desquels le vôtre. Oui, nous, membres de l’Union, avons le devoir moral d’accueillir des peuples aux yeux desquels l’Europe incarnait l’espérance et qui se sont libérés pour pouvoir la rejoindre. C’est depuis toujours ma conviction, sans cesse réaffirmée depuis la chute du Mur.

A Nice, sous présidence française, nous avons réformé nos institutions communes, afin de préparer l’Union à vous recevoir. A Göteborg, nous avons marqué notre volonté de poursuivre les négociations à un rythme soutenu et confirmé le caractère irréversible du processus d’élargissement.

Votre pays accomplit sa part du chemin. Depuis dix ans, la Lettonie s’est résolument engagée dans un effort sans précédent pour refonder et moderniser son économie afin de reprendre et d’appliquer l’acquis communautaire. De profondes transformations sont à l’oeuvre, rendues possibles par le haut niveau de formation de la société lettone. Et les investisseurs manifestent leur confiance.

Les entreprises françaises, vous le déplorez aussi, Madame la Présidente, ont pris un peu de retard. Mais une évolution s’est amorcée. Votre visite à Paris, il y a un an, a donné une impulsion significative à la rencontre de nos milieux d’affaires. Après la mission du MEDEF en décembre 2000, c’est l’exposition « France Baltique Technologie » qui rassemblait en mai dernier, à Riga, plus de cinquante entreprises françaises de haute technologie. Le mouvement est lancé, facilité par les dispositions que le législateur letton a prises en vue de l’entrée dans le marché européen. Il devrait permettre de resserrer et d’intensifier nos liens économiques.

En visitant Riga, aujourd’hui, j’ai découvert une capitale fière de son passé, des huit siècles d’existence qu’elle célèbre cette année. De grandes festivités sont prévues. Les Lettons se souviendront des heures fastes, de la prospérité tirée de la Hanse et dont témoigne encore votre belle cité médiévale. Ils se rappelleront l’effervescence qui régnait ici quand, au tournant du XXème siècle, Riga devint en Europe l’un des berceaux de l’art nouveau. Mais j’ai vu aussi une grande métropole, bruissante de mille chantiers, de mille projets, symbole de l’engagement européen de la Lettonie.

Votre pays, qui n’a entamé que l’an passé ses pourparlers avec l’Union, a déjà fermé plus de la moitié des chapitres de négociation. Et le dernier rapport de la Commission européenne lui est dans l’ensemble très favorable. La France souhaite de tout cœur que la Lettonie remplisse les conditions nécessaires pour que les négociations puissent se conclure d’ici la fin de 2002 et que vous puissiez participer aux élections au Parlement européen en 2004. Ainsi pourrons-nous très bientôt faire valoir ensemble une même vision de l’Europe.

Celle-ci est d’abord un espace de sécurité, et je sais votre attachement à cette dimension du projet européen. L’Union a vocation à occuper une place de premier plan sur la scène mondiale. Elle doit y affirmer les valeurs qui l’animent, et les protéger en son sein et à ses portes. C’est pourquoi elle s’est dotée, à l’initiative notamment de la France, d’une Politique étrangère et de sécurité commune, dont les institutions, tant politiques que militaires, sont d’ores et déjà en place. Il s’agit d’une partie intégrante, et en réalité d’une partie essentielle de l’ambition européenne. En entrant dans l’Union européenne, c’est aussi à cela que la Lettonie adhérera. Il faut s’y préparer.

Et la volonté de votre pays, Madame la Présidente, d’intégrer parallèlement l’Otan n’a rien de contradictoire, mais elle est d’une autre nature. La France partage avec nombre de ses alliés la conviction que, si la sécurité de notre continent relève au premier chef de la responsabilité de l’Europe et de ses membres, elle est inséparable de l’Alliance dont l’Union est l’autre pilier. Ainsi, la France est-elle favorable au processus d’élargissement de l’Alliance. Celui-ci est engagé, il a vocation à se poursuivre. Il intègre à l’évidence votre pays. Il ne s’agit pas de reconstituer à l’Est une nouvelle ligne de fracture, il s’agit bien au contraire de favoriser une coopération plus vaste, plus ouverte aussi, et d’étendre les espaces de paix toujours plus loin sur notre continent. C’est pourquoi ce processus doit être bien compris de tous et ne pas provoquer d’instabilité, là où il doit apporter un surcroît de paix et de sécurité.

Nous voulons une Europe solidaire. Attachée à son modèle de société, qui allie efficacité économique, cohésion sociale, protection des citoyens et pluralité culturelle. Une Europe qui refuse les clivages entre « petits » et « grands » pays, entre Nord et Sud, et permet de mettre le meilleur de soi-même au service de tous. Une Europe fière de ses valeurs et respectueuses des droits fondamentaux de tous les citoyens.

Nous souhaitons, comme d’ailleurs une majorité d’Européens, des institutions plus efficaces et plus démocratiques, où l’on dise plus clairement qui fait quoi entre l’Union et les Etats membres. C’est dans cet esprit que la France apporte sa pierre au débat sur l’avenir de l’Europe, auquel la Lettonie doit prendre toute sa part, avec les Quinze et les autres candidats. Votre pays, avec son histoire, ses épreuves, ses conquêtes, son rêve et ses espoirs, doit naturellement contribuer à cette réflexion commune.

Enfin, nous partageons la vision de nations liant volontairement leurs destins sans renoncer à leurs identités. En s’élargissant, l’Europe va s’enrichir d’une nouvelle diversité. Si l’on peut penser que les différences de niveaux économiques s’estomperont progressivement, nous devons veiller à conserver à notre continent sa pluralité d’expressions culturelles. A défendre celle-ci au-delà des frontières de l’Europe. A garder à notre ensemble et au monde sa richesse. A organiser l’inestimable dialogue des traditions, des inspirations, des génies de nos peuples.

Dialogue qui unit depuis longtemps Lettons et Français. Je pense à vos artistes venus à Paris rencontrer les plus grands peintres, sculpteurs et écrivains français. A Gustavs Skilters, élève de Rodin. A vos peintres, Vilhelms Purvitis, médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1900, Ludolfs Liberts, Grand prix de Paris en 1937.

Ces dernières années, nos deux peuples se redécouvrent. La grande et brillante exposition du Musée de l’Homme, l’une des plus belles jamais présentées dans les salles du palais de Chaillot, « Lettonie, Latvija. Histoire, arts et traditions », raconte, à travers les splendides pièces du musée de Riga, les 12 000 ans d’histoire du pays « d’ambre et de fer ». Elle rencontre un grand succès, auquel répond à Riga celui du Centre culturel français qui, l’an prochain, s’installera dans l’un des beaux bâtiments historiques de la ville, actuellement en cours de rénovation. Notre coopération culturelle et technique devrait connaître un nouvel essor au lendemain de la première réunion de la Commission mixte qui se réunira ici, cet automne.

Cette proximité culturelle, vous-même, Madame la Présidente, l’illustrez parfaitement, par votre connaissance de notre pays et votre maîtrise de notre langue, qui honorent les Français et dont je tenais à vous rendre hommage ce soir. Je voulais aussi vous remercier de cet intérêt que vous témoignez personnellement au renforcement des liens entre la Lettonie et la France. C’est le sens que j’ai voulu donner à ma visite : insuffler une nouvelle dynamique à l’ancienne amitié et aux affinités entre Lettons et Français ; organiser leur rapprochement à la veille de l’entrée de votre pays dans l’Union, où nous aurons à cœur de défendre ensemble une certaine idée de l’Europe. Votre si généreux et si chaleureux accueil me permet de croire qu’il en sera ainsi.

Et c’est en vous en exprimant ma gratitude, du fond du cœur, que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève, Madame le Présidente, en votre honneur et en l’honneur de votre époux, Monsieur Imants Freibergs. Je le lève en l’honneur du Premier ministre, Monsieur Andris Berzins et en l’honneur des membres du gouvernement letton. Je le lève en l’honneur des hautes personnalités lettones et françaises qui nous font l’amitié de leur présence ce soir. Je le lève au bonheur et à la prospérité du peuple letton au côté duquel bientôt nous, Français, poursuivrons la grande et belle aventure européenne

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