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Estonie, Lettonie et Lituanie

Pyotr Stolypin, Homme politique russe

par | 29/03/2007

Petr Arkadiévitch Stolypin (1863-1911), grand propriétaire de Kovno, gouverneur de Saratov et ministre de l’Intérieur en 1904 (« ministre des déportations politiques »). Stolypin a passé son enfance en Lithuanie. Il a fait ses études primaires à Vilnius. Par la suite, il a poursuivi ses études à l’Université de St-Pétersbourg.

Pyotr Stolypin, Homme politique russe (Dresde, 1862 – Kiev, 1911)

Petr Arkadiévitch Stolypin (1863-1911), grand propriétaire de Kovno, gouverneur de Saratov et ministre de l’Intérieur en 1904 (« ministre des déportations politiques ») est né le 2 avril 1862 à Dresde. Stolypin a passé son enfance en Lithuanie. Il a fait ses études primaires à Vilnius. Par la suite, il a poursuivi ses études à l’Université de St-Pétersbourg.

La Russie a été faible auparavant et ses politiques se sont adaptées à cette réalité. Sa défaite lors de la guerre de Crimée (1853-1856) a été un grand choc et elle a révélé à quel point la Russie était en retard par rapport à l’Europe. On dit que l’empereur Nicolas 1er est mort de déception en 1855, devant la ruine de sa politique. Son fils Alexandre II lui a succédé. Alexandre II s’est rendu compte qu’on ne pouvait retarder plus longtemps une réforme de l’ensemble du système, et on se rappelle de lui aujourd’hui en tant que Tsar libérateur, l’auteur des « grandes réformes » qui, entre autres choses, ont débouché sur l’émancipation des serfs de Russie.

Pyotr Stolypin a été Premier ministre de 1906 à 1911. En prenant le pouvoir après la révolution de 1905 qui été le théâtre de nombreuses révoltes paysannes, il s’est d’abord attaqué au défi d’éradiquer la violence dans les campagnes, et de concevoir ensuite des réformes pour éviter de tels soulèvements à l’avenir. Sa réforme la plus connue a été de disperser les collectivités rurales afin de créer les conditions favorables à l’évolution d’une classe de propriétaires-fermiers – son fameux « miser sur les forts ». Stolypin est la seule personne dont Poutine ait parlé dans son premier discours « sur l’état de l’Union ».

Stolypin et Gorchakov étaient tous deux en faveur d’une Russie forte et stable et tous deux étaient au pouvoir à un moment où la Russie n’était ni l’une ni l’autre. Ils sont tous deux des modèles que le gouvernement essaiera vraisemblablement d’imiter au cours des prochaines années. La politique agraire de Stolypin(lois de 1906 et de 1910) visait à créer une classe de paysans-propriétaires

Pendant le long demi-siècle qui s’écoula entre l’abolition du servage et les révolutions de 1917, universitaires, activistes et membres du gouvernement s’engagèrent à fond dans un débat sur l’importance de l’agriculture pour l’avenir de la Russie. La plupart des membres de l’intelligentsia visaient le progrès et le débat portait sur le rôle que jouerait le plus grand groupe social et juridique, à savoir la paysannerie, dans une transformation de l’empire, jugée essentielle mais conçue de diverses façons, en une forme moderne de gouvernement.

Les participants au débat – des nobles, des professionnels, des représentants de l’État et des opposants au gouvernement, marxistes, populistes, progressistes et conservateurs – partageaient certaines idées préconçues sur la paysannerie russe. Tout d’abord, ils croyaient à la catégorie en elle-même et n’hésitaient pas à émettre des généralités sur la « paysannerie », le « village », la « famille paysanne » et l’« économie paysanne », sans parler de la « communauté paysanne », ce sujet singulier et controversé. Deuxièmement, ils pensaient qu’ils avaient pour mission d’améliorer le sort des personnes appartenant à cette catégorie en même temps qu’ils amélioraient celui de la société russe en général. Troisièmement, les radicaux, les modérés et les conservateurs jugeaient que tout changement positif en Russie nécessitait que l’on comprenne la relation (extrêmement complexe, selon eux) entre l’économie rurale et l’économie de marché qui était en train de se développer. Enfin, les intellectuels et les administrateurs russes présumaient que les éléments instruits de la société devaient intervenir dans la communauté paysanne en l’éduquant et en la contrôlant par des réglementations – pour provoquer et maîtriser un développement économique raisonnablement fructueux. Quel que fût l’enjeu, devancer le capitalisme ou le soutenir, il fallait servir de mentor au paysan.

L’économie russe connut un certain essor, mais Stolypine était très impopulaire aussi bien chez les conservateurs que chez les libéraux et il fut assassiné par un révolutionnaire juif Mordechaï Bogrov en 1911 à Kiev.


La plus récente bibliographie consacrée au dernier grand ministre de l’empire russe, éditée en 2002 par la « Fondation pour l’étude de l’héritage de P. A. Stolypin » de Moscou, vient de dépasser les mille titres recensés. Il s’agit souvent de textes qui font appel aux idées reçues de l’époque même de Stolypin, et qui témoignent de la persistance de clivages politiques presque séculaires. Le livre de Abraham Ascher, historien bien connu pour ses recherches sur la social-démocratie russe et sur la révolution de 1905, en représente l’antithèse parfaite. Cet auteur a produit la biographie de Stolypin la plus complète qui existe aujourd’hui, marquée par un grand équilibre, qui trahit quelques fois la volonté de ne pas prendre parti. Le véritable monument historique érigé ici par Ascher est, en effet, bien différent de la lourde statue de Stolypin reproduite sur la couverture de l’ouvrage.

Nombreuses, et largement étudiées, sont les questions posées par la politique russe dans la période comprise entre 1906, lorsque Stolypin fut appelé au gouvernement, et 1911, au moment où le onzième attentat à sa vie atteignit enfin son but. Cependant Ascher préfère s’en tenir strictement aux règles de la biographie historique : « Trop souvent », affirme-t-il, Stolypin a été représenté « en termes absolus », et le moment est arrivé de reconnaître qu’il fut plutôt « un homme compliqué » (p. 395). En même temps, il est convaincu de l’existence d’une continuité très marquée dans la pensée politique de son personnage, qu’il voit centrée sur une idée extrêmement forte de modernisation économique, sociale et politique de la Russie. Ce point est naturellement assez controversé, d’un côté pour ce qui concerne l’existence d’un véritable dessein politique général de la part de Stolypin – et Ascher arrive même à accorder foi dans des témoignages assez faibles et tardifs, généralement rejetés par les historiens russes (les « papiers Zenkovsky », parus à New York en 1956) – de l’autre à propos de l’originalité même de ses projets. Mais notre auteur est ici extrêmement résolu : selon lui, dès son entrée même dans la vie politique russe, dans les années 1880, Stolypin visait cinq objectifs étroitement liés : écraser les révolutionnaires et défaire les libéraux, en rétablissant l’ordre ; préserver le pouvoir du monarque avec la « participation » d’organismes électifs ; réaliser la modernisation économique et sociale du pays ; renforcer l’élément russe dans les régions frontières de l’empire ; mener une politique extérieure non agressive. Dès que l’on commence à s’interroger sur la valeur de ce plan, on voit cependant surgir les problèmes, et quelques formules évasives viennent se glisser dans le texte. Les cinq objectifs indiqués étaient-ils tous réellement souhaitables pour le pays ? La question est historiquement légitime, nous répond Ascher, mais « elle n’est pas la seule, ni même la plus importante (critical) » (p. 7). Faut-il alors limiter nos appréciations à la seule efficacité de l’action de Stolypin ? Même dans ce cas, son jugement reste un peu flou : l’interprétation « sombre » des cinq années de gouvernement de Stolypin « paraît s’imposer à première vue », mais, bien analysée, elle pose de « sérieuses questions », parce que les résultats obtenus « n’ont pas été anodins » (p. 392). Faut-il donc apprécier avant tout les moyens, et non les résultats ? Ascher est cependant convaincu qu’il y eut une « disjonction » entre les « désirs » et la « conduite » de Stolypin, entre ses « buts » et ses « moyens » (p. 397), et donc que son héritage politique demeure fondamentalement « ambigu » (p. 399). De toute façon, « il ne fut pas un réactionnaire », mais plutôt « un conservateur au sens classique » (p. 395), ou mieux encore un « réformateur autoritaire », un « conservateur pragmatique » (p. 11).

Une biographie consacrée à Stolypin doit pouvoir fournir au lecteur avant tout des instruments d’appréciation sur son rôle dans trois domaines fondamentaux : la réforme agraire, la gestion politique de la révolution, et les rapports avec la Douma. Sur le premier thème, Ascher semble avoir une position assez nette, mais au prix d’une forte limitation de son champ d’observation. On aimerait savoir, en effet, s’il se range du côté de ceux qui croient que la grande réforme de la propriété de la terre, lancée en 1906 et approfondie en 1910-1911, était réellement en train de transformer les campagnes russes par la mise en place d’une couche importante et solidement implantée de petits propriétaires ruraux, ou bien si la tentative de briser les liens de la communauté rurale lui apparaît comme largement irréalisable. De même, il serait sans doute intéressant de connaître son opinion à propos des discussions sur le rôle joué dans ce procès par les utopies technocratiques des couches professionnelles : statisticiens, administrateurs, spécialistes de l’économie paysanne russe. Mais l’auteur préfère explicitement se retrancher derrière les structures rhétoriques de la biographie historique, en excluant toute analyse de la réalisation de la réforme agraire et en se concentrant plutôt sur les aspirations de Stolypin et sur les moyens qu’il a employés (p. 153). Ce qui ne l’empêche pas, au bon moment, d’affirmer que la réforme fut « la réponse la plus efficace à la crise agraire russe », une réponse qui « aurait pu contribuer à une solution plus modérée » des crises politiques successives (p. 164).

En ce qui concerne la politique contre-révolutionnaire du gouvernement Stolypin, et en particulier sa politique de répression du terrorisme, le point fondamental est naturellement l’évaluation de la loi du 17 août 1906. Cinq jours après l’effrayant attentat à la datcha de Stolypin, qui causa vingt-sept morts, cette loi institua les cours martiales qui, dans les mois suivants, condamnèrent à mort sans aucune garantie juridique quelques milliers de révoltés. Ascher est convaincu que Stolypin avait tout à fait l’intention d’extirper le terrorisme, mais qu’il « ne voulait pas » agir en dehors de la loi, et qu’il fut donc « hésitant » à approuver les cours martiales instituées par son gouvernement (p. 141-142). Tout jugement historique, explique-t-il, doit d’autre part être suspendu, parce que « la controverse sur la justification morale et l’efficacité des cours martiales n’est pas facile à résoudre » (p. 145), et d’une manière générale « il n’est pas facile de trouver le juste équilibre entre répression et réforme » (p. 151). Quant à la provocation, la corruption et les moyens illégaux dont la politique de Stolypin a fait un large usage, le cas le plus significatif reste bien évidemment celui du chef du terrorisme socialiste-révolutionnaire, Azev, dont les rapports avec la police (et assez directement avec Stolypin) furent publiquement révélés en 1908. Était-il vraiment un provocateur, ou seulement un agent de la police infiltré dans les milieux révolutionnaires, comme le soutint alors le premier ministre et comme récemment encore l’a réaffirmé l’historienne Anna Geifman ? Ascher préfère ne pas répondre, en se contentant de faire parler largement les contemporains, et de nous assurer que le scandale en question fut pour Stolypin « embarrassant et douloureux » (p. 275).

Mais le point le plus intéressant et le plus stimulant d’une telle histoire est sans doute celui des rapports du gouvernement, d’un côté avec le tsar, de l’autre avec la Douma : c’est ici qu’on voit le Stolypin le plus proprement politique, le ministre qui ne parvint pas seulement à briser la révolution mais aussi à étouffer le parlement qui en était issu. Ce qui liait vraiment le tsar à son ministre était, en effet, une même incapacité à concevoir un gouvernement lié à un programme politique. Leurs rapports étaient sans doute « tout autant ambivalents d’un côté comme de l’autre » (p. 356), mais on peut particulièrement apprécier ici le portrait d’un Nicolas II moins stupide et moins faible qu’on ne le présente d’habitude, bien que plus réactionnaire (c’est-à-dire culturellement plus éloigné du monde moderne), ce qui permet à l’auteur de mieux le différencier de son ministre.

Ascher nous rappelle, avec un certain sens de l’euphémisme, que Stolypin était « un défenseur du constitutionnalisme et non pas du gouvernement parlementaire » (p. 109). La naissance même de son gouvernement, en juillet 1906, est en effet liée à la dissolution de la première Douma. La lutte entre société civile et bureaucratie qui caractérise la fin de l’expérience de la première révolution russe apparaît, en tant que toile de fond d’une narration essentiellement biographique, comme moins analysée que mise en scène. Ascher nous assure, de toute façon, que le premier ministre « croyait à la nécessité d’ouvrir le système de gouvernement à de plus larges éléments de la société, ou tout au moins d’en gagner la confiance » (p. 117). Mais s’il est tout à fait vrai qu’il n’espérait pas, comme le tsar, que l’Académie des sciences éliminerait le mot « intelligencija » du vocabulaire russe (p. 93), son antiparlementarisme profond et son incapacité à comprendre le rôle des partis politiques modernes demeurent néanmoins incontestables. De ce point de vue, on peut aussi douter de l’affirmation selon laquelle « le problème le plus sérieux » de Stolypin pendant la campagne électorale pour la deuxième Douma, en automne 1906, était de ne pas avoir son propre parti politique (p. 173). En effet, il subventionnait indifféremment tous les partis de droite, jusqu’aux plus extrêmes, sans se poser de questions. Enfin, il est notoire qu’il fit forger par la police, entre avril et juin 1907, les preuves d’une conspiration de la part des députés sociaux-démocrates, pour arriver à dissoudre une Douma qui ne cédait pas à la primauté du principe monarchique, et donner ainsi au pays une nouvelle loi électorale. Fut-ce un véritable coup d’État, comme le pensaient tous les contemporains, y compris – on l’apprend ici – l’ambassadeur de l’empire allemand ? Ascher en est convaincu, mais encore une fois, dans ce cas, la « formule » de la biographie l’emporte sur l’analyse historique, et il finit par s’intéresser avant tout aux réactions de Stolypin lui-même, qui mit à exécution son coup d’État « en surmontant ses scrupules » (p. 207), pour réaliser son « double programme de réforme et de répression » (p. 241).

Pour Ascher, le plus grand mérite de Stolypin est d’avoir su « revitaliser le système monarchique » (p. 388), conclusion plutôt tranchante, au service de laquelle il arrive même à s’appuyer sur Lenin (qui parlait d’une tentative de transformer la vieille autocratie en monarchie bourgeoise). Mais l’impression générale qui se dégage de cette biographie si vivante et détaillée est plutôt celle d’un homme doué d’un grand activisme, mais qui semble avoir beaucoup contribué, lui aussi, par son incompréhension de la réalité politique de son temps, à la fin de la vieille Russie.

Antonello Venturi, Abraham Ascher, P. A. Stolypin. The search for stability in late Imperial Russia. Stanford, CA, Stanford University Press, 2001, 468 p., Cahiers du monde russe, 44/4 , 2003

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