Le requérant, M. Kristjan Sulaoja alléguait que la prolongation de sa détention était infondée et contraire à l’article 5 § 3 de la Convention (droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure), et soutenait que ses demandes de libération n’avaient pas été examinées à bref délai, en violation de l’article 5 § 4. La période de détention provisoire subie par le requérant a duré au total un an, six mois et 22 jours.
Sulaoja c. Estonie (requête no 55939/00) Violation de l’article 5 § 3 et 4
Le requérant, Kristjan Sulaoja, est un ressortissant estonien né en 1964 et résidant dans le village de Hüüru, dans le comté de Harju.
Soupçonné de plusieurs cambriolages, il fut incarcéré en février 1998. Sa détention fut prolongée à différentes reprises pendant l’année qui suivit, malgré ses demandes de libération. Le 31 mars 1999, il fut reconnu coupable et condamné par le tribunal municipal de Pärnu. En appel, sa condamnation fut annulée pour des raisons de procédure et l’affaire fut renvoyée devant le tribunal municipal. Le recours dont le requérant saisit la Cour suprême concernant la légalité de sa détention fut rejeté. Dans le cadre de la deuxième procédure, il fut de nouveau condamné par le tribunal municipal le 5 octobre 1999 et ce verdict fut confirmé en novembre 1999 par la cour d’appel de Tallinn (qui réduisit toutefois la peine). L’intéressé se vit refuser l’autorisation de saisir la Cour suprême.
Le requérant alléguait que la prolongation de sa détention était infondée et contraire à l’article 5 § 3 de la Convention (droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure), et soutenait que ses demandes de libération n’avaient pas été examinées à bref délai, en violation de l’article 5 § 4.
La période de détention provisoire subie par le requérant a duré au total un an, six mois et 22 jours.
La Cour européenne des Droits de l’Homme admet que les soupçons que le requérant ait commis les infractions dont il était accusé peuvent avoir initialement fondé sa détention. Toutefois, les ordonnances judiciaires autorisant la mise en détention provisoire de l’intéressé étaient motivées par une brève formule standard selon laquelle la détention se justifiait dès lors que le requérant avait déjà été condamné par le passé, n’avait ni domicile ni travail ni famille et était susceptible de commettre d’autres infractions et de se soustraire à la justice.
La simple absence de domicile fixe ne donne pas lieu à un risque de fuite. On ne saurait pas davantage conclure qu’une personne est susceptible de commettre de nouvelles infractions parce qu’elle n’a pas de travail ou de famille. La Cour doute que les raisons justifiant la détention du requérant, telles qu’elles ressortent des ordonnances judiciaires motivées de façon superficielle, aient conservé un caractère suffisant pendant toute la période de détention provisoire.
De plus, les autorités, lorsqu’elles décident du maintien en détention d’une personne, sont tenues en vertu de l’article 5 § 3 d’envisager d’autres mesures en vue d’assurer la comparution de la personne concernée à son procès. En l’espèce, les autorités n’ont considéré aucune autre mesure de nature à garantir que le requérant se présente devant le tribunal, alors que l’intéressé avait contesté à plusieurs reprises son maintien en détention et demandé que soit appliquée en lieu et place une autre mesure préventive, à savoir une assignation à résidence à un endroit où il affirmait pouvoir vivre avec son frère.
Par ailleurs, on ne saurait de toute façon affirmer que les autorités aient fait preuve d’une « diligence particulière » dans la conduite de l’instance. Ni la complexité ni le nombre des accusations portées contre le requérant ne peuvent justifier la durée de l’enquête préliminaire. Le jugement du 31 mars 1999 du tribunal municipal de Pärnu, par lequel le requérant a été condamné à l’origine, tenait sur deux pages.
Dès lors, il y a eu violation de l’article 5 § 3.
La Cour estime que le 15 mars 1999, jour où le requérant a contesté devant le tribunal municipal la légalité de sa détention, doit être considéré comme la date à laquelle l’intéressé a demandé un contrôle de la légalité de sa détention. La question a été tranchée par la Cour suprême le 8 juin 1999, soit deux mois et 24 jours après. Cette durée ne peut se concilier avec l’exigence requise par l’article 5 § 4 de la Convention qui veut que la légalité de la détention d’une personne soit examinée à bref délai. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 à cet égard.
Quant à la seconde procédure, vu les circonstances spécifiques de la cause et eu égard, en particulier, au court intervalle de temps qui s’est écoulé entre le contrôle de la légalité de la détention par le tribunal municipal et la nouvelle demande de libération présentée par le requérant, la Cour estime que les exigences de l’article 5 § 4 ont été respectées en ce qui concerne cette procédure.
La Cour alloue au requérant 3 000 euros (EUR) pour dommage moral.
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